Y-a-t-il des Juges de Proximité heureux ?

Bonsoir à toutes et tous!
Après avoir bien "surfé" dans ce forum et recueilli de précieuses informations, je demande à la communauté:
" Comment parvenir à exercer ces fonctions très techniques et prenantes, au milieu de magistrats professionnels qui sont à temps plein?"
" Quelles sont les qualités que vous avez dû acquérir ou développer; les efforts particuliers que vous avez dû fournir?"
" En résumé, comment y êtes-vous arrivé(e)s?"
Merci pour vos réponses et félicitations aux juges de proximité en poste.

Bonjour parquetgénéral, je me suis permis de déplacer ton sujet pour qu'il corresponde mieux à la rubrique qu'il traite, et je répondrai à ta question par l'affirmative : oui, je suis une jprox heureuse !

J'exerce mes fonctions depuis maintenant 15 mois et je suis toujours aussi contente d'avoir choisi ce parcours. Je ne sais pas s'il existe des "règles" de bonne conduite pour parvenir à s'épanouir dans ce métier. Voici juste ma modeste contribution...

Concernant l'aspect technique, j'avoue avoir encore souvent des difficultés sur des dossiers, qui portent sur des points de droit que je ne maîtrise pas. Même si c'est souvent la procédure qui me fait défaut plus que le fond. J'ai la chance d'avoir accès à une base de donnée juridique via le tribunal et je m'en sers beaucoup.

Je soumets parfois mes questions à d'autres juges de prox via le forum de l'ANJP, qui permet de ne pas se sentir isolé, ou à mon juge directeur lorsque j'ai un dossier compliqué ou une question dont je n'ai pas trouvé la réponse (d'ailleurs une ou deux fois, je lui ai appris quelque chose !). Je n'hésite pas non plus à poser des questions au juge qui préside les audiences correctionnelles avec moi (super au point en pénal cela va sans dire, mais aussi en matière de préjudice corporel et intérêts civils !).

Je ne manque pas de demander l'avis des greffières sur certains points et sur la qualité de mes jugements, que je soumets aussi parfois aux juges du TI (enfin surtout au juge directeur, qui doit m'évaluer tous les deux ans, autant qu'il sache sur quoi !). Cela contribue à mon sens à gagner la confiance des autres, car s'ils connaissent notre travail, ils sont plus à même d'être rassurés, et donc confiants, et donc gentils !!

Je crois que le plus important est de faire preuve d'humilité et de savoir se remettre en question. Pour ma part, j'apprends tous les jours et c'est ça que je trouve stimulant. Sans doute l'habitude prendra-t-elle un jour le dessus et la routine viendra ternir ce tableau, mais pour le moment, je crois avoir encore une belle marge de progression.

L'intégration dans la juridiction est, de mon point de vue, très importante pour se sentir bien dans le job. Je passe au tribunal une à deux fois par semaine. Je m'efforce, lorsque j'y vais, de passer la journée entière sur place et de ne pas me contenter de l'audience ou d'une ou deux heures pour signer les décisions (j'en profite pour traiter les IP et OP). Ainsi, je mange avec les magistrats dès que je le peux, j'ai pu faire leur connaissance et inversement ! je ne manque jamais de passer dire bonjour au greffe, car mon bureau n'est pas au même étage.

Je n'ai pas de bureau attitré, enfin, j'ai ma table et mon ordi, mais je partage la pièce avec une magistrate du TGI qui a bien voulu m'accueillir, car elle n'est pas souvent présente et travaille beaucoup de chez elle. Mais quand elle est là, alors je ne manque pas de discuter un peu avec elle, ça aussi ça crée des liens. Les magistrats qui ont les bureaux à côté des miens sont là plus souvent, je ramène du café, ou du thé, pour leur en proposer et passer un peu de temps à siroter en papotant .

Je me suis inscrite à l'amicale du tribunal (une sorte de comité d'entreprise) et j'essaie autant que possible (même si mon emploi du temps ne me le permet pas toujours) de participer aux manifestations (pots de départ, fête de noël avec les enfants, sorties en montagne, etc. - l'amicale est très dynamique !) pour rappeler à tous que je fais partie de la maison !

Bref, je crois que c'est à nous de montrer que nous avons envie d'être là, même si cela peut être difficile parfois, lorsque l'accueil qui nous est réservé au début n'est pas très chaleureux...

Aujourd'hui, je sais que la plupart du personnel que je croise dans les couloirs sais qui je suis, sans nécessairement connaître mon nom, mais que je fais partie du paysage.

Bien sûr, tout n'est pas tout rose, je souffre comme tout le monde du manque de moyens, mes audiences sont chargées et donc longues, j'ai en moyenne 20 jugements à rédiger chaque mois et je passe souvent le dernier week-end avant le délibéré à travailler (ce qui déplaît ma famille - et surtout à mon mari qui déplore ce "bénévolat"!), je peux m'arracher le cheveux sur un seul dossier pendant 2 jours (si, si !) et pour couronner le tout, un nouveau jprox arrive dans ma juridiction (j'étais seule jusqu'à présent) et donc nous allons nous partager les audiences, ce qui fait que je serai deux fois moins payée...

Mais je suis quand même heureuse !

Heolino, merci pour le message.
Le juge de proximité fait bien partie d'une équipe de travail et n'occupe pas simplement un strapontin.
A bientôt sur le forum.